Voilà déjà plusieurs semaines que j’ai lu ce livre, mais j’hésitais à en parler. L’impression qu’il m’avait laissée, une fois refermé, était trouble. J’avais du mal à mettre des mots sur ce que je ressentais. Le temps a passé et j’ai fini par comprendre d’où venait mon sentiment mitigé.
C’est un roman qui a tout pour plaire. Une couverture réussie, un titre accrocheur et une quatrième de couverture qui n’en dit pas trop, mais suffisamment quand même pour susciter la curiosité. Une fois ouvert, le lecteur est vite accroché par cette histoire – improbable sans doute mais qui répond à notre goût pour les contes et les doux rêves.
Julie est caissière. Elle peine à joindre les deux bouts, et élève seule son petit garçon, Lulu. Un jour ordinaire, son chemin croise celui de Paul, sexagénaire au grand cœur, et accessoirement, à la bourse toujours pleine… Lui est ému par le regard de Julie. Elle, un peu méfiante mais si fatiguée de lutter qu’elle finit par céder à la proposition du vieil homme : aller passer quelques jours en sa compagnie ainsi que celle de son fils en Bretagne. Avec Lulu bien sûr…
Jusque là, ça ressemble à ces livres-doudous, ces douceurs de trois cents pages qui font du bien. Le roman d’Agnès Ledig pourrait facilement trouver sa place entre Anna Gavalda et Barbara Constantine. Et puis soudain, la belle histoire vole en éclats.
La gentille comédie romantique qui s’annonçait vire au drame. Je ne veux pas en dire trop pour ne pas déflorer l’histoire mais ce virage à 180° saisit le lecteur et, après lui avoir fait miroiter des bains de mer au soleil couchant, le plonge dans l’eau glacée sans ménagement.
L’évènement le plus tragique qu’on puisse imaginer frappe Julie de plein fouet.
Alors, oui, je suis d’accord, ainsi va la vie. Le malheur frappe sans prévenir. La catastrophe peut survenir à tout instant. Et le roman, parce qu’il touche de très près à la vie, à toutes les vies, ne peut pas ignorer cela. Les mots d’Agnès Ledig touchent le lecteur au plus profond. Nul ne peut rester insensible face aux développements de son histoire, en partie inspirée par un drame personnel.
C’est tellement grave, tellement douloureux qu’on ne peut que compatir. Et c’est à cet instant-là que ça me gêne. Cette désagréable sensation d’être prise en otage par le livre. D’abdiquer, de laisser tomber tout esprit critique face à l’intensité du drame décrit. De ne pas avoir le choix de ressentir autre chose que le chagrin et la douleur. D’une certaine façon, l’évolution de l’histoire fait passer à l’arrière-plan tous ces petits défauts qui agacent : les hasards improbables, les pistes qui ne mènent nulle part, le piano acheté et jamais effleuré, l’accumulation de coïncidences, l’argent qui semble abonder, les bons sentiments…
Comment, en effet, se montrer critique quand on aborde un sujet aussi sensible? Peut-on encore pointer du doigt certains défauts, certains manques, alors qu’il est question de vie ou de mort?
Un évènement survient et c’est tellement violent que le lecteur se transforme en lapin aveuglé par les phares, incapable de réagir autrement que par la compassion. Voilà où le bât blesse pour moi. Je ne suis pas certaine que littérature et compassion fassent bon ménage. En tant que lectrice, j’ai besoin de m’immerger dans ce que je lis mais aussi de pouvoir garder une certaine distance par rapport à ce qui est écrit. Là, je n’ai pas pu.
C’est un bémol que je pourrais mettre à de nombreux livres, pas seulement à celui-là. Et cela n’est absolument pas dirigé contre l’auteure (les auteurs en général). Qu’on se le dise, sinon je vais encore passer pour une méchante… Cet avis est évidemment, totalement subjectif et personnel. Vous trouverez de nombreux billets qui ont fait de ce livre un coup de cœur. Je peux le comprendre, même si ça n’est pas mon cas.
J’aime l’intensité en littérature. Un peu moins les coups de massue…