Léo, pas encore la trentaine, évolue dans un monde qui n’est ni tout à fait le sien, ni tout à fait un autre. A mi-chemin entre rêves et fantasmes, ce jeune homme n’en finit pas de se bercer d’illusions. C’est sûr, un jour on reconnaîtra son talent, il sera écrivain… Pour le moment, il rame. Et malgré tous les subterfuges employés pour tordre une réalité qui ne lui est pas favorable, il est bien obligé de chercher du boulot. Ce faisant, il s’embarque, bien malgré lui, dans une histoire rocambolesque qui l’amène à côtoyer les puissants de ce monde et à découvrir que ce monde, justement, pue comme un vieux claquot…
Outre la difficulté de résumer ce livre, qui part un peu dans toutes les directions, je vais devoir me coltiner la désagréable tâche de ne pas en dire que du bien… Après avoir passé le barrage des premières pages – tellement travaillées que la prose en devient alambiquée et urticante pour le lecteur- je suis entrée dans l’histoire et j’ai suivi, avec un certain plaisir, les circonvolutions – réelles ou imaginaires – de Léo, appréciant la manière dont l’auteur nous faisait sauter du rêve à la réalité, ou bien de délire en délire, jusqu’à ce que le réel bouscule le personnage au point de le tirer de sa rêverie. Et nous aussi. Mais quand l’histoire a commencé à virer du côté du polar, là, mon intérêt s’est mis à patiner… J’ai décroché. La théorie du complot, d’accord mais alors avec quelques éléments pour l’étayer… Là, on se contente de vaguement effleurer une possible organisation «sous-marine» qui viserait à prendre le pouvoir pour protéger et servir ses intérêts. Mais l’histoire ne va pas au-delà des généralités qu’on peut entendre, ici ou là, en tout cas pas plus loin que le café du commerce.
Ce qui m’a vraiment dérangée, dans ce roman, c’est le manque de consistance des personnages secondaires. A part Léo, désinvolte et défait, qui n’est pas sans rappeler l’Hippolyte d’Un monde sans pitié, les autres personnages souffrent cruellement d’un manque de chair. Ils existent à peine. On dirait des caricatures, des stéréotypes, échappés d’une BD. Le patron, méchant très méchant sous une couverture de gentil, son bras droit, Cruella malgré elle, et tous les sous-fifres qui ont à peine un rôle de figurant : on n’y croit pas une seconde. Et les ex-copains de Léo, cette bande de jeunes qui rêvait – mais de quoi, on n’en sait rien – aussi épaisse que de la barbapapa… Quant à ces soirées «people» où Léo se rend, elles n’ont pas plus de vraisemblance que ce qu’en montre un instantané dans Paris-Match. Enfin, les deux agents de la Sécurité du Territoire sont à peu près aussi crédibles que Dupont et Dupond… Mais peut-être est-ce là une forme de clin d’œil?
En définitive, j’ai eu du mal à terminer ce roman. Et j’en suis désolée car c’est là le premier roman d’Erwan Lahrer et j’aurais aimé en dire du bien. Un premier roman, c’est un peu comme un premier enfant… on voudrait que tout le monde le trouve superbe. Malheureusement, question de style ou d’humeur, je n’ai pas pu m’accorder avec son histoire et la partition n’a pas résonné très harmonieusement à mes oreilles… Néanmoins, on sent qu’il y a, derrière l’écriture, un style, quelque chose de nerveux, des possibilités qui ne demandent qu’à s’exprimer… et qui ne peuvent que se bonifier avec le temps et l’expérience. A suivre, donc…
Merci à Dialogues Croisés
Qu’avez-vous fait de moi, Erwan Lahrer, Michalon 18€