Archives pour la catégorie Atelier d’écriture

L’atelier d’écriture de Skriban…

a repris du service!

Les règles ont un peu changé : 

  • les contraintes d’écriture sont données les 1ers et 3 èmes dimanches du mois.
  • les textes doivent être déposés dans les commentaires les 2 èmes et 4 èmes dimanches du mois.

Vous avez donc jusqu’au dimanche 9 février pour participer à la nouvelle consigne et encore une semaine ensuite pour aller lire les contributions des participants.

Prochaine consigne : le 16 février 2014.

N’hésitez pas nous rejoindre, à vous lancer…

Bonne humeur et humour garantis!

L’atelier d’écriture de Skriban, c’est par ici! 

Journal d’un chômeur

Pendant quelques mois, j’ai accompagné – quelques heures par semaine et dans la mesure de mes modestes capacités – des personnes en recherche d’emploi. Sont-ce elles qui m’ont inspiré cette nouvelle? Sans doute, puisque l’écriture est toujours le résultat d’une longue imprégnation.

J’ai envoyé cette nouvelle au concours de la ville du Mans. Le thème en était l’Ennui.

Etais-je hors sujet? Ai-je écrit avec mon pied droit? Le jury préfère-t-il les histoires qui se finissent mal? Toujours est-il que ma nouvelle n’a pas été retenue.

Alors, plutôt que de la laisser prendre la poussière virtuelle dans la mémoire de mon ordinateur, je la dépose ici. Vous aurez peut-être envie de la lire.

Journal d’un chômeur PDF 2

Le texte « Journal d’un chômeur » n’est pas libre de droit. Merci de ne pas l’utiliser de quelque manière que ce soit sans mon accord.

Les plumes à thème

logo-plumes2-lylouanne-tumblr-comEcrire un texte avec une quantité inimaginable de mots ne suffisait pas! Asphodèle a ajouté, cette fois, une consigne supplémentaire : écrire, avec les mots imposés, une quatrième de couverture de 500 mots maximum.

Les mots étaient les suivants :

Départ – salle – téléphone – heure – désir – impatience – minute – frustration – déçu – enfant – pandémonium – liste – angoisse – patience* – espoir – stupeur – galop – gifle – gigantesque.

 Mon texte fait 153 mots. Je crois que tout y est, sauf « patience » dont on pouvait se dispenser.

Au téléphone, une heure durant, dans la salle des départs d’un grand aéroport international en grève, la conversation entre un homme et une femme qui vont, tour à tour, faire la liste de leurs angoisses, de leurs frustrations, de leurs désirs et se confier leur impatience de se retrouver. Leur dialogue alterne, chaque minute, stupeur, espoir et rêverie, tandis que les passagers et le personnel de la compagnie forment un infernal pandémonium qui n’a de cesse de chercher à interrompre le tête à tête téléphonique de ces deux êtres qu’un océan sépare. Parviendront-ils, malgré tout, à se retrouver?

 Une lecture au grand galop, à lire sans tarder, pour tous ceux qui ont gardé leurs rêves d’enfant. « Une gigantesque gifle« , C. Ragot. « Vous ne serez pas déçu« . F. Bègue-Bébé. « Jubilatoire! », P. Sol-Herse.

The show must go on!

logo-plumes2-lylouanne-tumblr-comCette semaine, les mots récoltés par Asphodèle étaient les suivants : Blancheur – doute – débauche – enfance – pureté – accuser – angélique – temps – diablotin – naïveté – mensonge – fredonner – fastueux – flaque.

Le thème était l’innocence. Vous me connaissez, je n’ai pas pu m’empêcher de prendre le contre-pied. Ça sentait trop la guimauve, ce truc-là…

***

 Cela fait bien un mois, maintenant, que les nouveaux voisins se sont installés. Un couple. Lui âgé déjà, elle moins. Un grand garçon qui n’est pas là souvent et une petite dernière au regard angélique. La fenêtre de ma chambre donne sur la façade entièrement vitrée de leur pavillon. Quand je regarde, je me sens comme un enfant qui observerait ses poupées prendre vie dans leur maison. La nuit, surtout, quand toutes les pièces sont éclairées, j’ai l’impression d’être au théâtre. Le décor est fastueux, les acteurs fascinants.

A la brune, je m’installe devant la croisée. Je reste dans l’obscurité. J’ai tout mon temps. Depuis qu’ils sont là, je ne cesse de me féliciter d’avoir pris ma retraite anticipée. Souvent, je me monte un plateau avec un sandwich et du café. Je veux rester éveillé jusqu’à ce qu’ils s’endorment, heureux et repus dans leur naïveté. Ils vivent dans une débauche de couleurs. Sauf la chambre de la petite, qui est toute de blancheur et de pureté. Sans doute pour magnifier les traits qu’ils attribuent à l’enfance. Je vois la fillette se glisser en chemise de nuit entre les draps frais. Sa mère vient lui lire une histoire et puis son père vient l’embrasser. Quand le grand frère est là, il se glisse parfois, lui aussi, dans la chambre. Juste au moment où la petite va s’endormir. Il s’assoit sur le bord du lit, glisse sa main sous les draps. Je vois l’enfant gigoter et puis soudain devenir immobile. Il me semble alors que ses paupières se ferment.

Je vois les parents discuter tout en dînant dans la cuisine. Parfois, après leur journée de travail, ils s’affalent devant la télé. Leurs visages sont face à moi et je vois la lumière bleue de l’écran projeter des ombres sur leur regard concentré. Ensuite, ils éteignent le rez-de-chaussée et puis montent se coucher. Dans la lumière tamisée d’une lampe de chevet orangée, le jeudi soir, je vois l’homme nu contre le corps nu de sa femme. Il aime bien l’attacher à la tête de lit en fer forgé. Avec des rubans rouges. Il lui fait l’amour pendant des heures. Je me demande s’il prend des médicaments pour bander aussi longtemps. Il est vieux, quand même. A sa place, je serais vite épuisé. Ses yeux à elle sont comme des flaques insondables. Elle pourrait aussi bien être en train de fredonner une chanson ou de penser à sa liste de courses tandis qu’il la besogne avec application. Toujours selon le même scénario. Parfois, à moi aussi, il donne envie de zapper.

En fait, je penche pour la liste de courses car il n’en va pas de même quand le livreur à la barbiche de diablotin vient, le samedi après-midi, apporter les sacs de victuailles et les packs d’eau. Monsieur joue au tennis. La petite est au poney. Alors il faut voir comme Madame s’accroche au grand type quand il l’assoit sur le plan de travail de la cuisine bariolée et soulève ses jupes avec frénésie. Elle en redemande mais lui est toujours pressé. J’ai un doute : est-ce à cause des livraisons ou bien du temps qu’il passe en prestations annexes? En tout cas, quelle santé! Il doit se faire de ces pourboires… Un jour, l’adolescent les a surpris. Depuis, il exige des gâteries auxquelles la femme doit céder de bonne grâce si elle ne veut pas voir sa vie s’écrouler.

Si elle savait que le vendredi, le jour où son mari est censé faire du télé-travail, le jardinier et lui prennent une longue douche ensemble après avoir passé des heures dans le garage, sans doute à réparer la tondeuse, elle ne cèderait peut-être pas aux fantaisies pornographiques de son beau-fils. On ne peut pas accuser les autres de mensonge ou de tricherie quand on a soi-même quelques véniels péchés à se reprocher. Et vice-versa. Si j’ose dire…

En tout cas, moi, je ne leur lancerai pas la pierre. Depuis qu’ils ont emménagé, mes soirées sont plus passionnantes que toutes les séries que j’ai pu regarder à la télé. Je m’amuse comme un petit fou. Je sais bien que ça va mal se terminer mais je me tais, je reste discret. The show must go on…

Le modèle

unehistoireDes mots, une histoire 94. Toutes les semaines, Olivia effectue une récolte de mots et nous propose d’écrire un texte les intégrant. Pour cette session, les mots étaient :

espérances – peinture – jupe – rivière – conséquence – dupe – détourner – phlébotomie – avenue – banque – sans

 Voici mon texte.

749F0116CE5F4CE2BBD20334CED47CC8Lentement, elle défait le bouton de sa jupe et la laisse glisser au sol où le tissu froissé forme une flaque de bleu. Elle se tient debout devant l’immense baie vitrée. Sur le tableau mouvant des saules qui ploient vers la rivière, elle distingue le reflet de son corps nu. Elle observe sans complaisance sa silhouette aux formes arrondies, ce corps de femme mûre et jouisseuse qui ne colle pas avec ses vingt-cinq ans. Quand elle entend des pas derrière elle, elle se détourne. Il est là. Il lui sourit. Elle a compté : cela fait sept fois déjà qu’elle pose pour lui.

 C’était un mardi. Elle sortait de la banque où une chargée d’affaires venait de réduire à néant ses espérances. Plus de prêt. Elle marchait tête baissée, sur l’avenue encombrée par les chalands venus pour le grand marché hebdomadaire. Sans travail, sans famille pour la soutenir, elle ne voyait pas comment elle allait pouvoir tenir. Il ne lui restait que trente deux euros dans son porte-monnaie. C’est alors qu’elle a senti un regard posé sur elle. Un inconnu était là, planté au milieu du trottoir et la fixait. Elle sait l’effet de ses formes sur les hommes mûrs. Ce ne sont pas les petits jeunes qu’elle attire mais les vieux, riches, sûrs d’eux, et qui cherchent à capturer dans leurs filets une tendre jeunesse pour avoir l’impression, quelques années encore, d’être en vie. Elle a fait comme si. Comme si elle n’avait rien vu, comme si cette concupiscence ne la dégoûtait pas au plus haut point, comme si tout allait bien. Mais l’inconnu ne l’a pas laissée passer. D’un geste doux, il l’a arrêtée sur le trottoir. De près, elle a vu ses yeux gris-verts. Sa voix était celle d’un charmeur de serpents. Puis-je vous parler? Vous offrir un café? En temps normal, elle aurait chassé d’un geste brusque cette main tavelée qui la retenait mais elle était désespérée, alors elle a hoché la tête et l’a suivi au Café du Palais, le plus grand de la ville. Il lui a parlé peinture. Il a évoqué son atelier, son projet du moment. Elle a répondu qu’elle n’était pas dupe. Il a souri. Je sais bien ce que vous imaginez mais je vous assure… N’insistez pas, a-t-elle répondu, j’accepte et tant pis pour les conséquences.

 Il la paie. Cent cinquante euros pour trois heures de pose. Elle s’étend sur le sofa recouvert de soie bleu pétrole. Sa peau parait encore plus pâle sur l’étoffe agencée en plis savants. Il manie son pinceau avec dextérité. Parfois, elle a l’impression que c’est un scalpel qu’il passe à même sa peau, pratiquant ici et là de petites incisions par lesquelles s’écoule son sang. Un sang noir et mauvais, comme celui de sa tante, quand le médecin de famille avait dû pratiquer d’urgence une phlébotomie. Puis elle chasse ces images morbides dont le souvenir l’a longtemps traumatisée. Elle observe le peintre à travers ses paupières mi-closes. A aucun moment, il n’a essayé de profiter de la situation. Au contraire, il redouble de douceur et de gentillesse. Il lui apporte un café bien sucré, comme elle a avoué les aimer. Il lui demande si elle n’a pas froid et propose de monter le chauffage. Quand elle s’en va, il lui tient galamment son manteau. Et hier, saisissant sa main comme pour la lui baiser, il l’a retournée et c’est la peau fine à l’intérieur de son poignet qu’il a effleurée de ses lèvres.

A cet instant précis, elle a senti son être chavirer.

La douceur du peintre est comme un coin qu’on enfonce dans la souche de ses certitudes. Elle craque et se brise de l’intérieur. Ses défenses tombent en poussière et dévoilent son cœur mou. Elle voudrait sentir les paumes du peintre sur son ventre, pouvoir se laisser aller entre ses bras, telle une odalisque. Elle se dit qu’à la fin de cette séance, elle esquissera un geste, tentera une parole qui expliquera tout. Mais lui, lointain et concentré, met une ultime touche de couleur sur la toile et songe à l’exposition qu’il doit préparer.

– J’ai terminé. Vous pouvez vous rhabiller. Merci d’avoir posé pour moi.

Crédit photo Merci à Hik dont j’ai emprunté la superbe photo qui colle parfaitement à ce texte. J’espère qu’il ne m’en tiendra pas rigueur. Allez faire un tour sur son profil. 

Les plumes à thème d’Asphodèle

logo-plumes2-lylouanne-tumblr-comVoilà les mots de la semaine, précieusement récoltés par Asphodèle : liberté, fusée, nature, étoile, respiration, steppe, vital, étendue, océan, voiture, majestueux, claustrophobie, galaxie, infini, atmosphère, cosmos, euphorie, évidemment, éclipser. 

Les liens vers les textes des autres participants sont à découvrir chez Asphodèle.

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© Hergé – On a marché sur la Lune

Petit, Siméon voulait devenir conducteur de fusée. Il se rêvait en combinaison spatiale, aux manettes d’un engin oblong, comme un cigare, et tout revêtu d’argent. Il s’imaginait assis dans un fauteuil majestueux, devant de multiples cadrans, explorant le cosmos, tutoyant les galaxies. Il se disait qu’il serait le premier homme à aller vers l’infini. Rien ne pourrait s’opposer à ce rêve, à part, peut-être ce léger souci qu’on appelle claustrophobie.

 Aujourd’hui, Siméon a quarante ans. Il n’a jamais quitté l’atmosphère terrestre. Il est toujours claustrophobique. Il ne prend jamais le métro ni les transports en commun. Il ne va pas au cinéma ni au supermarché. Il travaille derrière un guichet du mardi au samedi. Quand il y a trop de monde devant lui, dans la queue, il fait cet exercice vital recommandé par son psy. Il évoque en pensée ces images de chevaux galopant en toute liberté dans la steppe, ou bien l’étendue bleue de la mer parsemée de voiles blanches. Quand sa journée de travail se termine, il rentre chez lui en voiture.

 Avec les années, évidemment, la réalité a éclipsé tous ses rêves d’enfant. Le temps n’est plus à l’euphorie et encore moins à la folie. Il faut être sérieux, responsable, remplir ses objectifs et ne pas faire trop de bruit. Siméon est un individu comme les autres. Un homme gris qu’on remarque à peine derrière son guichet ou son volant. Il ne se trouve pas beaucoup de qualités et ses rêves sont ternis, comme ces morceaux de verre qu’on ramasse sur la plage et qui ont été roulés très longtemps sur le fond des océans. Ses voisins le trouvent discret ; sa concierge, bien comme il faut. Son percepteur n’a pas à se plaindre de lui. Son patron l’estime plutôt performant. Il est efficace et discret, c’est dans sa nature.

Il vit à la campagne, dans un vieux moulin à vent qui n’a plus d’ailes. Il faut gravir centre trente-neuf marches pour arriver en haut. Sa maison, c’est son nid. Un lieu entre ciel et terre où plus rien ne peut l’atteindre. Dans un fauteuil majestueux, il guette la nuit, comme un amoureux la bougie à la fenêtre de sa belle. Alors il tourne ici, ajuste là et braque enfin sa lunette astronomique sur le ciel couleur d’ébène. Puis, du bout des cils, Siméon caresse longuement la chevelure scintillante des comètes et sourit.

Grigor Extime

logo-plumes2-lylouanne-tumblr-comCette semaine, j’ai participé aux Plumes à thème d’Asphodèle. Ça faisait bien longtemps… Les mots imposés étaient les suivants : obsession – fruit – calvaire – égarement – film – érotique – feu – intense – gouffre – fusionnel – folie – rouge – vertige – fulgurance – danser – délicieux – dément (dans le sens de fou, aliéné).

Mon texte n’est pas politiquement correct. Ames sensibles s’abstenir…

Je m’appelle Grigor Extime. Je suis né le 3 juin 2053. J’ai vingt-cinq ans aujourd’hui. Et je n’ai jamais connu l’Amour. Demain, je vais devoir avaler de nouveau l’HormoBlock, la pilule annuelle qui paralyse l’action des hormones, fabriquée depuis trente ans par le groupe pharmaceutique Ansofi, afin d’éradiquer l’obsession humaine de l’Amour qui, pendant des centaines d’années, a plongé le monde dans le chaos, déclenchant partout guerres et feux, ouvrant gouffres et abîmes, nourrissant la sauvagerie congénitale de l’humain. Une maladie contagieuse qui, parait-il, pouvait rendre les gens déments ou déclencher chez eux des épisodes de folie furieuse à l’origine de crimes passionnels.

J’ai vu sur NewTube des extraits de vieux films qui mettaient en scène cet égarement étrange et, parait-il, délicieux. Je n’ai pas tout compris. Les anciens parlent de vertige, de fulgurance mais ça n’est jamais visible à l’écran. C’est peut-être la raison pour laquelle plus personne ne regarde ces vieilleries poussiéreuses. Tout le monde préfère les nouvelles productions, érotiques et pornographiques qui donnent tant d’idées pour se faire plaisir et consommer des gadgets! Car si l’HormoBlock annule les effets des hormones, elle n’empêche pas la jouissance. Nous sommes des hommes et des femmes débarrassés de nos pulsions, des maladies transmissibles, des sentiments et de la religion. Autrement dit : décomplexés!

Nous pouvons forniquer avec n’importe qui, n’importe quand. Des lieux sont prévus pour cela, des hôtels reconnaissables à la lanterne rouge qui orne leur façade. Ils possèdent des chambres équipées pour deux, trois ou dix personnes. Ils sont tous régis par loi L.U.P.A.N.A.R (Lieux d’Union Physique pour Adultes Normés Approuvés par le Règlement). Oui, les adultes seulement puisque jusqu’à quatorze ans, âge de la majorité, les enfants prennent une pilule qui les rend répulsifs. Ensuite, ils sont majeurs : ils travaillent cinquante heures par semaine et peuvent s’amuser dans les hôtels, le dimanche.

Bien sûr, le blocage des hormones a eu des conséquences. Tout d’abord, il a permis d’éradiquer presque totalement la délinquance, la criminalité et la consommation de drogue. Plus on baise, moins on tue, c’est mathématique. Sans ce poison qu’on nomme Amour, les hommes et les femmes n’ont plus de raison de s’entre-tuer ou de se déchirer. Ils sont disponibles pour l’Action, la Consommation et la Fornication, les trois piliers de notre société. Il parait qu’autrefois l’Action se nommait Travail mais c’est un mot qui sent un peu la sueur et la rigidité, non? Aujourd’hui, nous sommes employables, polyvalents et totalement flexibles. Un ancien m’a dit qu’autrefois, les trois piliers étaient Liberté-Egalité-Fraternité. J’ai cherché à en savoir plus sur Google mais à chaque fois, je suis tombé sur la page Erreur 1337 – Archaïsme.

Le second effet a été l’interruption des naissances. Dans un premier temps, cela a permis de limiter la population de la planète, beaucoup trop importante et à l’origine de presque autant de catastrophes que l’Amour. Ensuite, on a créé les Usines d’Utérus, U2. Au début, on utilisait des utérus made in China mais on avait beaucoup trop de déchets. Maintenant, on diversifie les sources d’approvisionnement et ça fonctionne bien. On choisit son enfant comme on choisit sa voiture. Couleurs, qualités, options. Il parait que le modèle Inuit a beaucoup de succès. Les enfants, une fois créés, sont stockés dans des pouponnières jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge demandé par les parents. Un enfant, à l’achat, coûte cher mais selon des études très poussées, les parents s’occupent mieux de leur progéniture si elle leur a couté une petite fortune. Ils y font aussi attention qu’à leur véhicule.

Il parait qu’autrefois, on pouvait faire autant d’enfants que l’on voulait et qu’on percevait même des allocations pour cela! L’accouchement était un vrai calvaire et l’éducation un casse-tête. Réforme, réforme de la réforme, personne ne s’en sortait… Des milliers de pères et de mères gâchaient leurs enfants, en en faisant des singes savants, des contestaires ou des psychopathes. Toujours à cause de cet Amour fusionnel et débordant. Il parait même que des parents les congelaient, les enfermaient dans des placards ou les jetaient à l’eau alors qu’ils n’avaient pas appris à nager! Ce sont des bruits qui courent, Google ne dit rien là-dessus alors je ne sais pas si c’est vrai.

Depuis la nouvelle Ere, qui a commencé avec l’HormoBlock, ce sont donc les patrons des cinq multinationales qui dirigent le monde. On les appelles les Capitaines. Il a été mis fin à cette hypocrisie qui consistait à maintenir sous respiration artificielle une classe politique moribonde, incompétente et outrageusement subventionnée. Désormais, ceux qui nous emploient sont aussi ceux qui nous dirigent. Ça parait évident, je ne sais pas comment on a pu fonctionner autrement pendant si longtemps… On a fait disparaître les mots Bonheur, Joie et Emotion du vocabulaire car ils ne constituaient pas des indicateurs pertinents. Avec Capitaine Google, Capitaine Wal-Mart, Capitaine Bouygues, Capitaine Hyundai et Capitaine Ansofi, notre avenir est entre de bonnes mains.

Demain auront donc lieu les célébrations de l’HormoBlock. Des festivités, des danses, des concerts, des festins. Ensuite, chacun devra prendre sa pilule sous le contrôle vigilant des huissiers. Ceux qui refusent, qui recrachent, sont envoyés en rééducation pendant trois ans. Je ne sais pas ce qu’on leur fait, mais à leur retour, ils ne font plus tant de manières, croyez-moi!

Pas question pour moi d’aller en rééducation mais je me demande bien ce que c’est l’Amour. Je voudrais le connaître, une fois dans ma vie. Ça occupe toutes mes pensées depuis que j’ai atteint la majorité. Il parait que c’est intense. J’y pense sans arrêt, comme à un fruit défendu. Alors j’ai trouvé la solution : je vais mettre un film plastique dans ma bouche ; avec ma langue, j’emmailloterai l’HormoBlock dedans et ainsi, elle ne sera pas digérée mais évacuée par mon système digestif.

Mes hormones auront alors le champ libre…

J’ai hâte d’être à demain. Je me dis que l’Amour, ce doit quand même être une sacrée aventure…

Aujourd’hui, on se souvient…

dans l’atelier d’écriture de Skriban.

Que vous ayez lu ou non Georges Pérec, vous pouvez participer et laisser en commentaire quelques uns de vos souvenirs d’enfance. Si vous  n’êtes pas d’humeur littéraire, voici pour vous distraire quelques photos de la plage de Sainte Anne la Palud hier, terrain de jeu favori des amateurs de cerfs volants et d’une certaine Poppy…

Les deux dernières photos sont l’œuvre de mon plus jeune fils qui s’amuse bien avec mon réflex. Je trouve qu’il a su saisir la douceur et l’attention dans le regard du labrador.