Archives pour la catégorie Bien bien…

Esprit d’hiver

espritFidèle à son goût pour l’étrange qui se révèle peu à peu au cœur même de la plus banale réalité, Laura Kasischke plonge Holly, l’héroïne d’Un esprit d’hiver dans une atmosphère propre à la troubler. Le blizzard se lève et la neige recouvre tout. Les invités attendus pour le déjeuner renoncent à venir. Le mari d’Holly, parti chercher ses parents à l’aéroport, ne peut pas rentrer et Tatiana, sa fille, d’habitude tendre et gentille, commence à se comporter bizarrement, se montrant de plus en plus agressive. L’angoisse, telle une main glacée, étreint Holly. Entre la mère et la fille, la tension monte jusqu’au dénouement qui sera forcément brutal.

Le précédent roman de l’auteur que j’avais lu – Les Revenants – ne m’avait pas du tout convaincue. J’ai été sensible, dans celui-ci, à la voix de Holly, une femme aux désirs étouffés comme le monde est peu à peu réduit au silence sous le poids de la neige et qui souffre en silence. Dans les romans de Laura Kasischke, le passé hante toujours le présent et cet Esprit d’hiver ne déroge pas à la règle. Un roman dont la froideur obscure s’immisce pour longtemps dans l’imaginaire du lecteur…

Petit bémol : Irène Jacob, la lectrice de la version audio, ne traduit pas toujours au mieux les émotions qui parcourent ce livre.

Orages ordinaires

A force de lire ici et là que William Boyd comptait parmi les auteurs favoris, j’ai fini par choisir un de ses romans à la médiathèque. Histoire de voir… Et je dois dire que j’ai été plutôt emballée.

imgresDans Orages Ordinaires, William Boyd narre avec brio l’histoire d’un jeune climatologue, Adam Kindred, qui en quelques heures va voir sa vie basculer dans un véritable cauchemar. Parce qu’il aura voulu rapporter un dossier oublié par un inconnu dans un restaurant, il va être pris pour l’auteur d’un meurtre atroce. Dès lors, dans ce Londres où il vient juste de revenir, il va devoir se cacher et surtout subsister avec rien ou presque.

Traqué par la police et un tueur à gages pour qui il représente un témoin gênant, Adam devient comme ces centaines d’autres qui survivent en marge d’une société qui ne leur fait pas de place.

L’histoire est prenante et originale. Je dois dire que j’ai lu avec plaisir ce récit rocambolesque en forme d’aventure dans la jungle hyper-moderne que peut représenter la capitale d’une société occidentale. J’ai parfois tiqué devant certains hasards un peu trop faciles à mon goût mais je n’ai pas pour autant boudé mon plaisir. C’est une très bonne lecture, une première découverte d’un auteur que je relirai sans aucun doute.

Les avis positifs de Sylire, Kathel et celui plus mitigé de Mrs B.

Orages ordinaires, William Boyd, Seuil

L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa

fakirAjatashatru Lavash Patel, personnage principal de cette histoire rocambolesque, est un fakir. Fake-ir pourrait presque t-on dire car il est spécialiste des arnaques en tout genre. C’est d’ailleurs à la suite d’un escroquerie qu’il arrive en France pour acheter un lit à clous Ikéa. Et c’est aussi après un de ces tours de passe-passe dont il a le secret qu’il se fait inviter à déjeuner à la cafétéria suédoise par la belle Marie. Mais sans doute y a-t-il une justice au pays des fakirs : bientôt, Ajatashatru se retrouve enfermé dans une armoire du fabricant de meubles et expédié en Angleterre. Sort peu enviable, il faut bien le dire…

Commence alors pour cet homme chez qui tout est faux un voyage qui lui fera rencontrer un chauffeur de taxi teigneux, des migrants, une belle actrice, un agent efficace et un éditeur bien crédule…

Commence pour nous une histoire déjantée et drôle, à mi-chemin entre le conte de fées et le conte philosophique. Romain Puertolas, persuadé, lorsqu’il a écrit ce roman, de le faire uniquement pour quelques amis, s’est lâché… et il a eu raison. On ne s’ennuie pas une seconde et c’est un réel plaisir que de suivre les aventures de ce fakir hors du commun. Lors de mon écoute – puisque c’est en version audio que je l’ai lu – j’ai éclaté de rire plusieurs fois. Je vous laisse imaginer la tête des gens que je croisais dans la rue… Le lecteur, Dominique Pinon, sait mettre en valeur le texte et sa voix sert bien cette histoire.

Bref, un moment de détente très agréable avec ce livre qui ne prend rien au sérieux. Quoique…

L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa, de Romain Puertolas, Le Dilettante/Audiolib.

Les filles de l’ouragan

IMG_3783Ruth et Dana sont nées le même jour, dans la même maternité. C’est là leur seul point commun car on ne pourrait avoir filles plus dissemblables. Ruth est grande, blonde et a l’âme d’une artiste. Dana est trapue, solide et terrienne. Curieusement, aucune ne se sent vraiment à sa place dans sa famille. Ruth a une relation privilégiée avec son père agriculteur, mais sent bien que sa mère ne la traite pas comme ses autres sœurs. Dana, elle, doit grandir malgré deux parents incompétents et égocentriques. Elle se passionne pour la nature, les cultures, les animaux.

Si le lecteur devine assez rapidement une partie de ce qui s’est passé, ce fameux 4 juillet 1950 à la maternité du Bellersville Hospital, cela n’enlève rien à la saveur de ce roman. Joyce Maynard donne la parole, tour à tour, à chacune des deux « filles de l’ouragan ». On grandit avec elles, on suit leurs premières amours et surtout, on se demande comment tout cela va se terminer.

A travers ce roman, l’auteure s’interroge sur la filiation, l’amour sous toutes ses formes, le chemin que chacun emprunte pour devenir adulte et rester fidèle à ses rêves d’enfance. Le secret a dans cette histoire un poids considérable, et Joyce Maynard montre ses effets (souvent destructeurs) sur les uns et les autres. Elle n’a pas son pareil pour décortiquer la psychologie de ses deux héroïnes et de leurs proches. L’aspect historique est également important puisque c’est le portrait d’une Amérique rurale en voie de mutation qu’elle dresse ici, confrontée à de profonds bouleversements sociaux et économiques (homosexualité, société de consommation, guerre du Vietnam, etc…).

Ruth et Dana sont attachantes, profondément vivantes et c’est à regret qu’on les quitte, une fois le livre terminé. Avec, en plus, une furieuse envie de fraises!*

L’avis de Manu qui recense aussi d’autres billets. Sylire en a fait un coup de cœur.

Les filles de l’ouragan, Joyce Maynard, 10/18

* Celles et ceux qui ont lu le livre me comprendront. 😉

L’appel du coucou

9782356416520-GCormoran Strike, ex-militaire, est détective privé à Londres. Il a perdu une jambe en Afghanistan, vient de se faire jeter par la femme de sa vie et n’a même plus de quoi payer le loyer de son bureau. Le jour où l’histoire commence, il manque de blesser la jeune Robin, secrétaire intérimaire, qui vient travailler à son cabinet pendant une semaine. Bien qu’il n’ait pas d’argent et presque pas de clients, Cormoran, au lieu de la renvoyer, décide de la garder. Or voilà qu’un homme se présente : il a besoin de ses services. Lire la suite L’appel du coucou

Les demoiselles de la plume blanche/ Birds of feather

Photo du 38848829-02- à 10Après une première rencontre réussie, j’étais impatiente de retrouver Maisie Dobbs. Désormais solidement installée, Maisie continue, avec l’aide de Billy Beale (« I ain’t got no northern accent. I’m an East End of London boy. Shoreditch born and braid, that’s me ») , de mener l’enquête pour ses clients.

Cette fois, elle est contactée par Joseph Waite, l’ex-boucher devenu le fortuné détenteur des épiceries Waite. Celui-ci souhaite que la détective retrouve sa fille, Charlotte, âgée de trente-deux ans et qui semble avoir fui le domicile de son père sur un coup de tête. Lire la suite Les demoiselles de la plume blanche/ Birds of feather

La Fabrique des Imposteurs

imgresJe ne me plonge que très rarement dans le brouhaha médiatique, mais j’aime, entre deux romans, lire parfois un essai*. Le livre de Roland Gori aborde le thème de l’imposture, et à travers lui, questionne notre société de la norme, de l’expertise, où la forme tend à prendre de plus en plus le pas sur le fond.

S’appuyant sur des exemples très concrets – agences de notation, scandale du Mediator, certification, etc… – l’auteur montre que notre société, « plus soucieuse de l’apparence des actes que de leurs effets et de leurs vertus », encourage l’imposture. Lire la suite La Fabrique des Imposteurs

Kinderzimmer

Kinderzimmer, de Valentine Goby, fait partie des livres qui ont marqué la rentrée littéraire de l’automne 2013, et c’est à ce titre que je souhaitais le lire.

91159421Comme le dit fort justement Saxaoul, on ne peut pas « aimer » ce roman, parce qu’il décrit à l’état brut l’entreprise d’extermination des nazis dans le camp de Ravensbrück. Ce n’est pas un livre qui fait du bien, ce n’est pas un roman distrayant. C’est un roman coup de poing qui vient rappeler à notre société confortable, numérique, évidente, qu’il n’est pas besoin de se tourner beaucoup en arrière pour trouver l’horreur, la mort, l’exécution délibérée, planifiée et cynique de millions de personnes.

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La Réserve

imagesLe 4 juillet 1936, jour de l’Independance Day, le docteur Cole et sa femme reçoivent dans leur chalet, au bord du lac, dans les Adirondacks, quelques amis de longue date. On est entre nantis, dans ce club très fermé où seuls les membres fondateurs peuvent posséder une maison, et le personnel qui va avec. La nature préservée permet à chacun de se ressourcer. Vanessa Cole, la fille du couple, s’ennuie ferme jusqu’à ce que Jordan Groves débarque sur le lac avec son hydravion. Artiste frondeur, homme de passions, il est à la fois peintre, « rouge », et séduisant. Lire la suite La Réserve