Le gâteau sans levure de Jonathan Franzen

Pardonnez-moi cette analogie un peu facile, entre la pâtisserie et l’écriture mais elle va me permettre de vous donner plus facilement mon point de vue sur Freedom, de Jonathan Franzen, le « it-livre » de la rentrée comme disent les gens dans le vent…

Reçu dans le cadre des matches de la Rentrée Littéraire organisée par Price Minister (que je remercie au passage), ce roman était pour moi l’occasion de découvrir un nouvel auteur américain. Oui, mea culpa, je n’avais pas lu Les Corrections, du même auteur… Mais autant le titre – Freedom – évoque quelque chose de léger, d’aérien, de vif et de percutant, autant le roman en lui-même ressemble à un gâteau raté : sans levure, insipide et plein de grumeaux, il m’a fait penser aux tentatives pâtissières d’une certaine Agnès… Vous voyez le tableau? La maîtresse de maison, ravie de ses prouesses, annonce d’un air gourmand qu’elle a fait un gâteau et sort du four un plat fumant…Là, autour de la table, c’est la consternation : le truc pâlichon, ratatiné et pas cuit au milieu, oui, c’est bien votre dessert… Un coup à vous faire préférer les yaourts blancs sans sucre…

Un livre, comme dirait le gentil Francis Cabrel, c’est une question d’équilibre. Et qu’on manie les œufs, la farine, le chocolat ou bien les noms, les adjectifs, les verbes, au final, quand c’est raté… on n’a pas très envie de finir son assiette…

J’ai vaillamment entamé les premières pages. Rien de très excitant mais bon, j’avais sept cents pages devant moi, le temps de voir venir. J’ai entamé la deuxième partie, persuadée un instant que l’histoire de Patty, l’ex-sportive qui a épousé le gars bien sous tous rapports au lieu de courir après celui dont elle était  réellement amoureuse, allait finir par m’intéresser ou du moins décoller. Mais au bout de trois cents pages, j’ai reposé le bouquin. Ah, ce qu’on s’emmerde, ici… comme dirait la chanson des joyeux colons!

Je m’attendais à une réflexion sur cette liberté acquise à force de combats et si mal utilisée aujourd’hui. Je n’ai eu droit qu’aux atermoiements d’une nunuche affublée d’un mari exaspérant de gentillesse, d’une fille trop responsable et d’un horrible fiston tyran. Il y a du Desperate Housewives derrière tout ça, l’humour en moins, l’alcool en plus (non, Monsieur Franzen, si le gâteau est raté, rien ne sert de l’imbiber de rhum!). Au rayon des épices indispensables : une pincée de drogue, de l’argent (toujours trop ou pas assez…) et du sexe. Le tout sur un fond de sauce familiale WASP ultra-toxique. Les dialogues m’ont paru lourds, les situations vues un million de fois dans ces séries dont l’Amérique bien-pensante nous inonde. Quant à la soi-disant « polyphonie », merci, mais sur ce coup là, je préfère encore I muvrini, tiens…

Bon, vous l’aurez compris : je n’ai pas aimé, je me suis ennuyée, j’ai tout lâché à mi-course et je ne souhaite plus croiser la route de ce mauvais pâtissier. C’est que je suis gourmande, moi… Cette fois, Nestor ne pouvait rien à ma déception. J’ai carrément sauté quelques marches supplémentaires de mon Panthéon personnel et je suis tombée dans les bras d’Emile. Oui, il y a des jours comme ça, où on préfère encore descendre à la mine en compagnie de Zola plutôt que de s’ennuyer avec un américain très moyen…

Vous pouvez, pour faire la part des choses, allez lire l’avis de Constance qui a apprécié ce roman et qui en parle très bien.

Leiloona s’est ennuyée autant que moi mais a eu le courage d’aller au bout…

58 réflexions sur « Le gâteau sans levure de Jonathan Franzen »

  1. Il est dans ma PAL et je vais très bientôt le lire … on verra si je m’ennuie ou si j’apprécie ! Et malgré ton avis négatif, il y a quand même des choses qui sont susceptibles de m’attirer dans ce roman 😉

  2. Mon avis sur un roman américain bien pavé est forcément subjectif, cependant c’est dommage que tu ne sois pas arrivée à la fin, on a une vue d’ensemble prouvant la beauté de la construction. j’ai lu ce roman avec intérêt, bon, OK, 700 pages il faut tenir sur la longueur, mais pour moi pas de souci, et si overblog n’était pas indisponible actuellement je serais en train d’écrire mon billet.
    J’ajoute que j’avais déjà lu Les corrections et Pourquoi s’en faire, donc mon envie de lire ce roman n’avait rien à voir avec certain buzz (bon je suis assez raisonnable pour ne pas éviter un livre sous prétexte que tout le monde veut le lire ^_^). j’ai lu l’avis de Constance, et maintenat je vais avoir du mal à écrire mon billet!

    1. @ Keisha : tu arriverais presque à me donner des regrets! 🙂 Mais les livres qui m’ennuient pendant six cents pages pour déployer enfin leur beauté dans les cent dernières, non, je ne peux plus…

      1. Beuh, moi j’ai accroché dès le début… Ensuite, quand ça peinait un peu, il se passait un p’tit quelque chose.
        Tu sais, il m’arrive aussi de lâcher des lectures assez vite…Même si je suis allée au bout de Belle du Seigneur, argh, que ça m’a embêtée ce truc!

      2. @ Keisha : je suis d’accord avec toi sur Belle du Seigneur, je ne sais même plus si je l’ai terminé. Quelques pages, piochées, ici et là, aussi délicieuses que des loukoums mais à haute dose, c’est l’indigestion assurée!

  3. J’adore tes comparaisons pâtissières ! On comprend tout de suite ce que tu veux dire. J’ai mis ce roman dans les lectures à venir, je pense l’urgence première est d’attendre un peu ..

    1. @ Aifelle : préparer un bon gâteau pour des enfants affamés (ou des adultes gourmands) fait partie des choses qui réconcilient avec l’existence… et apportent bien plus de plaisir que quantité de livres! 😉

  4. Hé hé mon avis est paru aujourd’hui aussi ! Cela faisait plus d’une semaine que je l’avais terminé, mais je n’avais pas eu le temps d’écrire mon billet …
    Je t’ajoute à mes liens en bas de mon article. Merci pour ce fou rire ! 😉 Je partage entièrement ton avis ! 😀

    1. @ Leiloona : j’ai vu ton billet tôt ce matin et j’ai été rassurée par son contenu… Quand tu vois les critiques de presse, tu as l’impression d’être une abrutie passée à côté d’un livre génial… je te mets en lien moi aussi!

  5. J’étais hésitante quant à ce roman (j’ai aimé Les corrections, enfin, je l’ai lu sans déplaisir, ce qui ne s’appelle pas vraiment de l’engouement) et donc je verrai si j’ai l’occasion de l’emprunter à la bibliothèque, un peu plus tard… 😉

  6. Tu l’as reçu quand pour le lire aussi vite ? Je l’ai eu hier et je commence à pleurer ma mère ! Heureusement Keisha me remotive un peu car le poids lui me décourage déjà… Et comme j’en ai d’autres à lire avant le 1er novembre, je sens qu’il y a une ou deux nuits blanches à mettre au programme ! Je ne savais pas que tu étais dégoûtée des livres à ce point ! Lis donc Estelle Nollet, ça devrait te réconcilier (peut-être !) 😉

    1. @ Asphodèle : je l’ai reçu au début de la semaine dernière mais justement, je n’ai pas tout lu! Voilà pourquoi cela a été si rapide… 😉 J’espère que tu y trouveras plus de plaisir que moi! Je ne suis pas dégoûtée de livres, je suis dégoûtée des livres qui ne me touchent pas, qui ne me racontent rien…

  7. Je ne prendrai pas le risque de m’ennuyer avec un pavé de 700 pages donc je passe. J’attends les premières impressions de ton immersion dans le monde d’Emile…

    1. @ Sylire : pour caler un meuble, peut-être? 😉 Emile? J’adore et je te signale que j’écoute aussi David Copperfield, raconté par Victoria! J’ai téléchargé les vingt premiers chapitres!

  8. Ah que j’ai ri à lire ton billet ! Quel sens de la métaphore ! Quand tu n’aimes pas, tu as l’art de le dire (aussi). Cela dit, j’ai demandé aussi Freedom àPM, j’ai déjà lu il y a longtemps Les corrections, donc je vais celui-ci avec… gourmandise ! On verra !

  9. dommage que tu n’es pas aimé. en même temps, ta chronique est tellement réjouissante à lire que peut-être pas en fait. merci pour le lien et à bientôt 🙂

    1. @ Constance : c’est ce que je me dis souvent… On s’amuse bien plus à écrire une critique négative qu’un billet positif! De rien et à bientôt j’espère. 😀

      1. pouvoir écrire des critiques négatives est une petite vengeance sur le livre qui nous a ennuyé ou déçu. cette histoire, c’est un peu un mal pour un bien en fait ^^

  10. J’ai bien aimé, malgré quelques petits reproches, que je me garde pour mon billet à moi 🙂 il reste un grand écrivain et un bon livre quand même ! Comme quoi, le ressenti varie d’un lecteur à l’autre !

  11. Aïe, aïe,aïe! C’est une vraie descente en flèche, dis donc! De toutes façons je dois lire auparavant son livre précédent: »Les corrections » et je verrai bien si j’ai envie de continuer avec cet auteur ensuite. Voilà qui est sage, n’est-ce pas? 🙂

  12. Bon, finalement, c’est une bonne nouvelle que tu nous annonces-là. Vu comment la blogo a été arrosée et vu les avis pour le moins réservés qui se font entendre dernièrement, m’est avis que je ne devrais pas tarder à en trouver quelques exemplaires pas cher en bouquinerie ou même sur P**ceM***. Ça sera toujours suffisant pour que je me fasse mon avis et ça atténuera une éventuelle déception. 😀

    1. @ ICB : ça m’étonne toujours un peu – je suis très naïve, il est vrai – cette dissonnance entre la critique instituée et les billets des blogs… Et ce qui m’étonne encore plus, c’est qu’on dit aux jeunes auteurs « il faut accrocher dès les premières pages! » tandis que les auteurs confirmés, eux, peuvent bien pousser le compteur jusqu’à 300,400, voire 500 avant de révéler le véritable intérêt de leur roman. Bizarre, vous avez dit bizarre…

  13. C’est comme si tu m’avais mis un pistolet sur la tempe. J’ai un bouquin de 700 pages à lire (moi aussi Price Minister) d’ici fin Octobre (et si c’était le seul!) et tu viens me dire que c’est un gâteau indigeste. Heureusement, je survivrai encore quelque temps car Keisha proclame que c’est un bon bouquin! Pourvu qu’elle ait raison!

      1. Hum, elle lite aussi les commentaires! ^_^
        Disons que les auteurs américains bénéficient souvent d’une subjectivité totale de ma part… Et je n’ai aucune ténacité pour certains romans français ou autres…

      2. @ Keisha : je viens de découvrir Laura Kasishke et j’aime bien. Je crois que j’ai moins de mal avec les auteurs américains femmes que les hommes… Et côté ténacité, j’en ai de moins en moins!

  14. Je viens de lire ton « post’it » qui était déjà-là hier, d’ailleurs, peut-etre (il était tard !). Je suis ravie de voir que tu apprécies. Sais-tu que je n’arrive toujours pas à l’abandonner ? J’ai téléchargé les deux derniers chapitres pour les relire (enfin ré-écouter) ce week-end.

  15. je viens de voir ton post-it annonçant que tu prenais un peu de recul vis à vis des activités bloguesques, alors je te souhaite une bonne retraite, moi qui suis quasi-absente en ce moment (de mon côté, ce n’est pas un choix, mais peut-être que ça met bénéfique, je n’ai pas pris le temps d’y réfléchir : je viens, je repars, je réapparaît de temps en temps, vadrouille à droite à gauche et disparaît de nouveau… Pas le temps de réfléchir à la situation au milieu ! ^^).
    et n’hésite pas à me tenir au courant de comment avance ton roman, ça m’intéresse toujours 🙂 à bientôt !

  16. je découvre ton blog après ton commentaire chez Asphodèle. moi aussi j’abandonne Freedom à la page 323 mais je ne pense pas avoir ton talent pour écrire un billet aussi amusant sur un bouquin aussi soporifique! 😉

  17. Mercredi va paraître mon billet sur Freedom. Je n’ai pu m’empêcher de te citer et de renvoyer vers ta critique corrosive qui me fait rire car c’est vraiment bien envoyé! Mais moi, j’ai aimé, j’ai digéré le gâteau et j’explique pourquoi!

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