Au long d’une journée (horaires de bureau), les trajectoires parallèles de deux personnages. D’un côté, Mathilde, quarantenaire, cadre dans le service de marketing d’une grande entreprise. De l’autre, Thibault, médecin urgentiste. Tous les deux sillonnent Paris à leur façon, l’un en voiture, l’autre sous terre. Deux trajectoires semblables car ces deux-là, sans se connaître, éprouvent la même lassitude face à la vie urbaine, à la vie tout court.
Mathilde vit un véritable cauchemar dans l’entreprise où elle travaille. Victime de harcèlement de la part de son supérieur, elle est totalement mise à l’écart, vidée de sa substance, de sa raison de vivre. Thibault, lui, vit un échec amoureux et se demande si la voie qu’il a choisi lui convient vraiment.
Si Delphine de Vigan parle avec justesse des épreuves que traverse Mathilde et parvient à se mettre dans sa peau, cela est moins vrai avec Thibault, qui semble moins « achevé », comme personnage. Il est plutôt une esquisse, avec des zones encore un peu floues. La ville, dans son inhumanité, est parfaitement décrite : les étendues maussades, les embouteillages incompréhensibles, les transports en commun qui ressemblent à des wagons à bestiaux, la solitude dans la foule, l’ignorance de l’autre comme bouclier de survie, l’incapacité à sortir de la cuirasse qu’on se construit peu à peu. De même, l’écriture reflète cette sécheresse d’âme qui gangrène la ville. C’est une vision juste mais partielle et subjective cependant. Un constat d’échec d’une société qui se veut basée sur le progrès et finit par broyer ceux qu’elle est censée servir. C’est un roman noir dans le sens où les germes d’espoir n’ont ni assez d’énergie, ni assez de lumière pour éclairer un peu ces personnages dévitalisés.
C’est un livre qui sonne juste mais qui, cependant, m’a laissée sur ma faim car son pessimisme renvoie à une vacuité un peu morbide. Toute cette énergie dépensée pour rien? Vraiment? Si ces deux solitudes n’étaient pas destinées à se rencontrer, j’aurais aimé, au moins, que leurs doutes et leurs réflexions débouchent sur un acte, positif ou non. Or, à la fin du livre, ne demeure que le vide.
Les heures souterraines, Delphine de Vigan, JC Lattès, 17 €