Un soir, à la télé, Samuel et Nina découvrent avec stupeur que Sam Tahar, le célèbre avocat français exerçant aux Etats-Unis, n’est autre que Samir, leur copain de fac. Stupeur et bouleversement. Samuel, qui se rêvait en écrivain à succès est devenu éducateur et se complait dans son rôle de victime. Nina, qui a eu une aventure intense avec Samir, se demande si elle a fait le bon choix quand elle voit sur l’écran cet homme séduisant et riche, à qui tout semble avoir réussi. Le couple décide de reprendre contact avec leur vieil ami. Il y a entre eux des différends qui n’ont jamais été réglés…
L’invention de nos vies est une remarquable variation sur le mensonge, l’usurpation, la liberté, l’amour et le bonheur. Aux yeux des autres, Sam Tahar a tout ce qu’un homme peut souhaiter. Aux siens, il est le prisonnier des mensonges qui lui ont permis d’accéder à cette vie de rêve. Pour réussir, en effet, lui, le musulman des cités, s’est fait passer pour un juif bon teint et il a endossé la vie de son camarade Samuel Baron. Usurpateur confirmé, il s’est glissé dans une vie d’apparence lisse, mari d’une riche héritière, bon père et avocat doué. Mais sous la surface, ça bouillonne, ça transpire, ça menace de déborder.
L’irruption dans sa vie millimétrée de Samuel, et surtout de Nina, qu’il n’a jamais pu oublier, vont tout faire voler en éclats.
Le roman de Karine Tuil est dense, touffu, passionnant. Je l’ai commencé un dimanche matin et terminé dans la soirée. Et pourtant, il fait près de 500 pages. C’est vous dire à quel point j’ai été emportée par cette histoire d’usurpation, de mensonge, de trahison. Les personnages ne sont pas vraiment attachants, mais ils sont humains, vivants, ambigus, compliqués. On n’adhère pas forcément, mais on comprend leurs motivations. Au delà de l’anecdotique, Karine Tuil se penche sur cette société qui, sous des dehors policés, cache une violence extrême qui pousse les individus à faire n’importe quoi pour se montrer performants et adaptés.
Deux bémols : le rôle endossé par Nina, femme soumise et passive, m’a parfois semblé un peu dissonant. Et la dernière partie m’est apparue, dans son traitement, exagérée. Elle nuit à la crédibilité de l’ensemble.
Ces deux réserves précisées, j’ai trouvé que ce roman était une belle performance d’auteur. Une lecture marquante, que je dois, encore une fois, à Sylire!
L’invention de nos vies, Karine Tuil, Grasset, 492 pages.