Archives pour la catégorie Bien bien…

Parcours commando

Depuis que mon fils aîné vit sur la planète kaki (comprenez : ce grand fou est entré dans l’Armée de Terre…), je m’intéresse de près (enfin, pas trop quand même, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit!) à tout ce qui porte un treillis.

imgresC’est la raison pour laquelle j’ai eu envie de lire « Parcours Commando », du célèbre Marius, aux éditions Nimrod. A vrai dire, j’ai entamé le livre un peu comme on fait ses devoirs. Et là, surprise, moi qui pensais mettre une semaine, ou plus, pour venir à bout de ce pavé, je l’ai dévoré en deux jours! C’est un témoignage, mais ça se lit comme un roman. Et un bon roman! Lire la suite Parcours commando

Au pied du mur

002677588Lucia Holley vit avec son père et ses deux enfants au bord d’un lac. Son mari, Tom, est parti combattre dans le Pacifique. Nous sommes en pleine seconde guerre mondiale et les tickets de rationnement obligent toute la famille à quelques sacrifices. Grâce à la précieuse Sybil, sa bonne noire, Lucia arrive à faire croire aux siens qu’elle est une ménagère attentive et douée.

L’histoire débute quand elle découvre que sa fille, Bee, s’est amourachée d’un individu peu recommandable. Individu qu’elle retrouve un matin empalé sur une ancre, dans un des canots, sous le hangar à bateaux. Persuadée que son père est impliqué et que le scandale guette, elle prend le bateau, et va cacher le corps dans les marais.

Cette action insensée va la propulser dans un monde jusqu’alors inconnu : celui de la pègre. Coincée entre un maître-chanteur et un policier faussement débonnaire, Lucia se débat, s’agite, cherche des solutions, mais surtout, réfléchit à son rôle de mère au foyer, à ses choix de vie. Elle découvre aussi chez les autres femmes de la maisonnée – sa fille Bee, sa bonne Sibyl – des aspirations très éloignées des siennes qui lui révèlent son besoin d’indépendance.

Ce roman est intéressant à double titre. D’une part, l’action est bien menée, le suspens maintenu de bout en bout, sans que l’auteure se laisser aller à une complaisance morbide. La partie est finement jouée, qu’il s’agisse de la narration, ou de l’écriture. D’autre part, l’histoire de cette femme, confrontée à elle-même et aux attentes des siens, par le jeu des circonstances, trace l’esquisse de cette génération que la guerre va profondément faire changer. C’est un roman subtil, bien de son époque – d’aucuns le trouveront peut-être suranné.

 » Je suis désolée, maman, reprit Bee, d’un ton sec, comme à regret ; mais je ne suis pas comme toi. Je ne vais pas vivre comme tu le fais. Si on peut appeler ça vivre. Se marier à dix-huit ans, en sortant du lycée. N’avoir rien vu ni fait grand-chose d’intéressant. Aucune aventure, une existence incolore. Tu aimes sans doute te sentir en sécurité. Eh bien, moi, je ne veux pas être en sécurité. »

Au pied du mur, Elisabeth Sanxay Holding, éditions Baker Street.

L’avis de Clara.

Pour plus d’informations, vous pouvez retrouver la fiche détaillée du livre chez Dialogues, que je remercie au passage!

Dialogues croisés

Rêves en noir

P1040853Jill a dix-sept ans. Depuis ses quatre ans, elle est aveugle. Battante, coachée par son père, elle refuse que son handicap ternisse sa vie. Elle fait du sport, a des amis, se balade seule et suit des cours à l’Institut des Jeunes Aveugles à Paris.

Un soir, alors qu’elle tente un acte un peu fou pour se prouver qu’elle en est capable, Jill est témoin d’une violente altercation entre plusieurs hommes. L’un d’eux, salement amoché, appelle au secours. Quand les pompiers arrivent à la rescousse, l’homme n’est plus là.

A la suite de cet évènement, Jill se met à rêver. Des rêves en couleurs, pleins d’images alors qu’elle ne voyait plus, même en rêve, depuis longtemps. Bientôt, elle comprend que ses rêves sont prémonitoires. Et qu’elle a un rôle à jour dans ces scènes que son esprit lui fait voir. Mais lequel? Et comment, elle, aveugle, pourrait-elle bien venir en aide à des voyants?

Ce dernier roman de Jo Witek, chez Actes Sud Junior, embarque le lecteur dès les premières pages. Jill est une jeune fille attachante, sensible, en révolte aussi, qui refuse de viser petit sous prétexte qu’elle est privée de la vue. Avec détermination, elle se glisse dans une histoire qui n’est pas la sienne et qui pourtant la fera considérablement évoluer. Sa bande de copains permet de varier les points de vue sur ce handicap et de montrer que, hors de la solidarité, point de salut.. L’auteure a passé quinze jours à l’INJA de Paris, et cela se sent dans ce récit bien construit, bien mené et solidement étayé par un travail de recherche.

En résumé, une excellente lecture qui devrait plaire, tant aux ados qu’aux adultes. Au delà de ses qualités littéraires, elle permet aux voyants que nous sommes, de nous glisser dans la peau d’une aveugle et de voir la vie sans les yeux. Rêves en noir constitue donc excellent point de départ pour réfléchir au handicap sous toutes ses formes : comment il est vécu, comment il est vu, et surtout, comment l’humain s’adapte pour surmonter les difficultés et transformer, parfois, une faiblesse en force.

A lire sans délai!

Rêves en noir, Jo Witek, Actes Sud Junior

Lady Hunt

Depuis plusieurs mois, mes nuits sont troublées par l’irruption d’un rêve étrange. Une maison s’introduit dans mon sommeil, accapare mes rêves.

Laura Kern, jeune femme (trop?) sensible, s’inquiète de ce rêve récurrent qui pourrait être le premier symptôme d’une maladie héréditaire dont est mort son père. Pour savoir si elle aussi est atteinte, il lui suffirait de faire un test, mais dans le fond, elle ne veut pas avoir de réponse. Elle travaille pour une agence immobilière spécialisée dans les appartements chics du triangle d’or à Paris et entretient une liaison en pointillés avec son employeur.

Peut-être ai-je surnommé mon amant « le Patron » pour contenir en une formule l’homme qui m’échappe, tant il s’offre à travers des détails, morceaux de corps, expressions et regards qui s’impriment en moi avec l’intensité douloureuse de la sensation aussitôt transformée en souvenir.

Troublée par ses rêves, Laura est également perturbée par divers phénomènes qui se produisent alors qu’elle fait visiter des appartement : c’est cet enfant qui disparait mystérieusement dans une pièce sans issue, c’est ces visages qui n’existent que dans les miroirs, ces clefs qui disparaissent… Le jour où elle découvre en photo la maison de son rêve récurrent, elle imagine pouvoir enfin dénouer les fils du passé et mettre fin aux sortilèges familiaux.

P1040854Dans Lady Hunt, Hélène Frappat a choisi de reprendre les codes du roman gothique : mystères, ténèbres et esprits mal intentionnés. L’évocation d’un Paris énigmatique, inconnu du grand public, avec ses passages privés, ses appartements labyrinthiques est très réussie. L’ambiance onirique, nimbée de la lumière pâle des spectres qui hantent le présent, contribue à créer une atmosphère inquiétante. Enfin, le passé de Laura contient en germes des perspectives de développement intéressantes.

Si l’on se laisse charmer par ce récit au goût d’étrange pendant les deux premières parties, on attend pour les trois dernières un peu d’action, de vraies surprises, des coups du sort, bref qu’il se passe enfin quelque chose! Hélas, l’histoire n’en finit pas de tourner sur elle-même, comme autrefois les tables des spirites. Les personnages secondaires ont l’inconsistance des fantômes. Quant à Laura, elle demeure lointaine et froide, murée dans des tourments auxquels on ne croit plus.

Lady Hunt, Hélène Frappat, Actes Sud. 

Ce livre a été lu dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire organisés par PriceMinister-Rakuten que je remercie au passage.

Galéa n’a pas eu la même lecture que moi : elle a beaucoup aimé! Tout comme Leiloona et Kathel. Sandrine, elle, n’a pas été plus convaincue que moi… 

L’invention de nos vies

Un soir, à la télé, Samuel et Nina découvrent avec stupeur que Sam Tahar, le célèbre avocat français exerçant aux Etats-Unis, n’est autre que Samir, leur copain de fac. Stupeur et bouleversement. Samuel, qui se rêvait en écrivain à succès est devenu éducateur et se complait dans son rôle de victime. Nina, qui a eu une aventure intense avec Samir, se demande si elle a fait le bon choix quand elle voit sur l’écran cet homme séduisant et riche, à qui tout semble avoir réussi. Le couple décide de reprendre contact avec leur vieil ami. Il y a entre eux des différends qui n’ont jamais été réglés…

P1040755L’invention de nos vies est une remarquable variation sur le mensonge, l’usurpation, la liberté, l’amour et le bonheur. Aux yeux des autres, Sam Tahar a tout ce qu’un homme peut souhaiter. Aux siens, il est le prisonnier des mensonges qui lui ont permis d’accéder à cette vie de rêve. Pour réussir, en effet, lui, le musulman des cités, s’est fait passer pour un juif bon teint et il a endossé la vie de son camarade Samuel Baron. Usurpateur confirmé, il s’est glissé dans une vie d’apparence lisse, mari d’une riche héritière, bon père et avocat doué. Mais sous la surface, ça bouillonne, ça transpire, ça menace de déborder.

L’irruption dans sa vie millimétrée de Samuel, et surtout de Nina, qu’il n’a jamais pu oublier, vont tout faire voler en éclats.

Le roman de Karine Tuil est dense, touffu, passionnant. Je l’ai commencé un dimanche matin et terminé dans la soirée. Et pourtant, il fait près de 500 pages. C’est vous dire à quel point j’ai été emportée par cette histoire d’usurpation, de mensonge, de trahison. Les personnages ne sont pas vraiment attachants, mais ils sont humains, vivants, ambigus, compliqués. On n’adhère pas forcément, mais on comprend leurs motivations. Au delà de l’anecdotique, Karine Tuil se penche sur cette société qui, sous des dehors policés, cache une violence extrême qui pousse les individus à faire n’importe quoi pour se montrer performants et adaptés.

Deux bémols : le rôle endossé par Nina, femme soumise et passive, m’a parfois semblé un peu dissonant. Et la dernière partie m’est apparue, dans son traitement, exagérée. Elle nuit à la crédibilité de l’ensemble.

Ces deux réserves précisées, j’ai trouvé que ce roman était une belle performance d’auteur. Une lecture marquante, que je dois, encore une fois, à Sylire!

L’invention de nos vies, Karine Tuil, Grasset, 492 pages.

De l’eau pour les éléphants

Où l’on retrouve Sylire en tentatrice professionnelle…

9782253125808-TJacob Jankowski, vieillard de quatre-vingt treize ans, use ses dernières années en maison de retraite. Sur son lit, seul et loin de sa famille, il se souvient…

Jacob, à peine vingt-trois ans, perd en quelques jours tout ce qu’il avait : ses parents meurent dans un accident, la maison hypothéquée ne lui appartient plus, et, profondément choqué, il ne parvient pas à passer le dernier examen qui lui permettrait d’être officiellement vétérinaire.

Ayant perdu tous ses repères, il prend la route, part à l’aventure. Il finit par tomber sur un cirque. Nous sommes dans les années 30. A cette époque, les cirques américains sillonnaient le pays à bord de trains interminables. Jacob parvient à se faire embaucher comme soigneur. Commence alors pour lui une véritable  épopée, au milieu des animaux sauvages, des gens du cirque, des « freaks » et des artistes. Bientôt il succombe au charme de Marlena, l’écuyère et se fait deux amis : Walter, un nain et Rosie, une éléphante.

Sara Gruen s’est beaucoup documentée. Elle réussit parfaitement à restituer l’ambiance des cirques d’autrefois et de ces années dures, où la dépression économique faisait encore sentir ses effets. Dans la poussière et les paillettes, montrant l’endroit, et surtout, l’envers du décor, elle nous fait partager l’extraordinaire vie de Jacob. Un roman captivant qui aborde un sujet original.

De l’eau pour les éléphants, Sara Gruen, Le Livre de poche.

Les ailes de la Sylphide

Lucie est une prometteuse ballerine au conservatoire de Lyon. Lorsque son école décide de monter le ballet de La Sylphide, elle est sur les rangs pour obtenir le rôle-titre. Elle est sélectionnée pour  le rôle de ses rêves et sa joie est sans nuage, jusqu’à ce qu’elle découvre deux étranges proéminences dans son dos. Peu à peu, l’univers de Lucie semble se détraquer. La forêt, autour de la maison de ses parents, recèle d’étranges créatures qui cherchent à l’attirer dans leur monde.

Encore une fois, Pascale Maret explore de nouveaux territoires littéraires et nous emmène là où on ne l’attendait pas. Les ailes de la Sylphide est un roman fantastique, presque un conte, qui balade le lecteur entre phénomènes surnarturels et explications rationnelles. Pour l’auteure, la ballerine romantique, en tutu, presque libérée de la pesanteur grâce à ses pointes, est la créature fantastique par excellence. D’où le choix de cette héroïne qui use de son corps comme d’un instrument, jusqu’à ce que la belle machinerie se dérègle.

Ailes

Pascale Maret mêle avec beaucoup d’habileté les images du ballet classique à d’autres, beaucoup plus contemporaines. De la même manière qu’elle oppose la lumière à l’ombre, la fuite dans le rêve aux arêtes tranchantes de la réalité.

C’est un roman d’une grande richesse. Difficile d’en dire plus car il faut préserver sa part de mystère, que n’est dévoilée qu’à la toute fin. Gageons qu’il déclenchera chez celles et ceux qui le liront des discussions passionnées…

Les ailes de la Sylphide, Pascale Maret, Thierry Magnier

Mon autre billet sur les romans de l’auteure.

Eux sur la photo

imagesHélène, trentenaire, découvre dans les affaires de son père décédé une coupure de journal où figure une photo. Sur celle-ci, sa mère est entourée de deux inconnus. Hélène a perdu sa mère à l’âge de trois ans et ne sait pratiquement rien d’elle. Sa curiosité est donc légitime et inévitable quand elle tombe sur ce cliché. N’ayant pas de famille à qui demander des précisions, elle décide de faire passer une annonce dans le journal, accompagnée de la photo.

Quelques semaines plus tard, alors qu’elle n’espère plus, elle reçoit une réponse. Un certain Stéphane lui dit que l’un des deux hommes sur la photo est son père.

Commence alors entre les deux protagonistes un échange épistolaire. Hélène cherche à savoir qui était sa mère, quel était son passé. Stéphane, lui, voudrait comprendre pourquoi son père a brutalement changé, un jour, comme s’il était passé de la lumière à l’ombre.

Récit captivant d’une chasse au passé, avec ses pièges, ses risques et ses surprises, Eux sur la photo se lit d’une traite. Comme Hélène, comme Stéphane, on veut savoir et surtout comprendre. L’auteur joue subtilement sa partition sur un thème qu’on pourrait croire éculé. Elle y ajoute les couleurs intenses de l’amour car entre Stéphane et Hélène nait une histoire  qui prend racine bien plus loin qu’ils ne l’imaginent.

Le billet de Sylire qui a su me tenter. Encore une fois!

Eux sur la photo, Hélène Gestern, Arléa collection 1er mille

Traversées…

La diaspora des Desrosiers, de Michel Tremblay est composée de trois romans.

Le premier – La traversée du continent – narre le voyage de la jeune Rhéauna, dite Nana qui, après avoir été confiée, ainsi que ses deux sœurs, à ses grands-parents, doit les quitter pour rejoindre sa mère à Montréal. Partie de la province de Saskatchéwan, elle va accomplir un voyage de quatre jours, seule, et sera accueillie, à chaque étape, par un membre de la famille. Elle ira ainsi de découverte en surprise, au contact de chacun.

Le second – La traversée de la ville – est centré sur Nana et sa mère, deux ans après leurs retrouvailles. Alors que la guerre s’est déclarée en Europe, la jeune fille va parcourir la ville pour rejoindre la gare où elle veut acheter, avec ses maigres économies, des billets pour elle, sa mère et son jeune frère Théo afin de partir, le plus loin possible du conflit, dans la province où vivent ses grands-parents. Dans le même temps, sa mère Maria se souvient de son voyage à elle, qui lui a fait fuir la maison de ses parents pour partir aux Etats-Unis, à la recherche d’un bonheur qu’elle n’a jamais trouvé, puis revenir au Canada, près de ses sœurs Tititte et Teena.

Le dernier – La Traversée des sentiments – est le récit d’une semaine de vacances des trois sœurs – Maria, Tititte et Teena – chez leur cousine Rose, avec leurs enfants. Loin de la ville, de la pollution et du bruit, les femmes et Nana vivent une semaine au cœur de la nature, loin des soucis, dans la région sauvage des Laurentides.

On s’attache très vite aux personnages de cette trilogie, et notamment à la jeune Nana. Elle est une enfant née avec le XXème siècle et c’est à travers son regard que l’on voit le monde changer et les adultes – notamment les femmes – tenter d’apprivoiser une liberté qui ne va pas de soi. Une femme doit être mariée et mère ou célibataire et chaste…

Le français de nos voisins canadiens s’offre dans des dialogues savoureux qu’on a parfois envie de lire à haute voix, « juste pour le fun ». Il y a bien sûr quelques longueurs, et j’ai trouvé le roman du milieu – La traversée de la ville – un peu moins bien bâti que les deux autres, mais cela reste un grand plaisir de lecture. On referme le dernier volume avec l’envie de découvrir encore plus avant l’œuvre de cet auteur prolifique.

Merci Laurent pour cette belle découverte!