Les éditions Quadrature, spécialisées dans les recueils de nouvelles, nous surprennent quatre fois par an avec des histoires noires, astringentes, caustiques et décalées… Tous crocs dehors, le recueil d’un auteur qui se cache sous le pseudonyme de Lunatik n’échappe pas à la règle. Grinçants, féroces, ses courts récits nous transportent de la campagne à la banlieue, de la jeunesse à la sénilité, de la vengeance à la folie…
De l’homme dont la vie ressemble à une succession de clichés à l’ancien taulard qui tente tant bien que mal de se réinsérer en passant par la petite frappe qui s’est fait berner, Lunatik passe en revue ces destins banals qui basculent parfois pour un rien, ces petites cruautés ordinaires – l’enfant qu’on oblige à manger son poulet – et le racisme latent qui pousse même au fin fond des campagnes.
Il y a trois nouvelles que j’ai particulièrement appréciées.
Raconte-moi une histoire, un petit chaperon rouge à la sauce « neuf-cube », dont l’humour vachard fait mouche.
Beaucoup plus tard, le Petit Chaperon rouge arrive enfin chez Mémé. Elle entre sans frapper parce que la vioque a les portugaises méchamment ensablées et que la dernière fois, elle est restée plantée trois plombes à toquer sous la flotte sans se faire entendre. Quand elle débarque dans la chambre, Mémé est au pieu, clope au bec, sa charlotte à bigoudis sur le crâne, en train de mater un documentaire animalier sur Arte.
De la symbolique des poubelles dans l’intégration : un homme présenté comme éleveur de chiens vient s’installer à la campagne et doit affronter le racisme de son voisin qui, pour lui faire comprendre qu’il n’est pas le bienvenu, dépose ses ordures dans son jardin…
En regagnant mes pénates, je croise pour la première fois l’occupant de la maison au nain. C’est un petit homme grassouillet, à la posture débonnaire mais au faciès chafouin. (…) Je me fends d’un salut courtois à l’adresse du pékin. Qui grommelle une réponse incompréhensible en extirpant de sa narine gauche un bulot digne des plus grandes tables..
La fille au bout du quai : l’histoire d’une petite fille abusée…
C’était un trois juillet. Eléna ne rejoindrait ses parents que le vingt-cinq août, pour une semaine de camping au bord de la mer. Elle subit les assauts de Jacques cinquante-deux nuits encore. Ce n’était plus qu’une poupée de chiffons entre ses mains. Cet été-là, elle a perdu ses couleurs, elle est devenue transparente. Pour survivre, elle s’est désincarnée.
Des histoires courtes mais qui brûlent la rétine du lecteur. Des histoires drôles qui se finissent souvent mal. Pour les héros de Lunatik, les surprises ne viennent pas de chez Kinder… Seule Désir féminin et crudités apporte un peu de douceur dans ce monde cruel, comme une respiration bienvenue au milieu de ce recueil qui mérite le détour… que vous ne manquerez pas de faire après avoir lu ce billet! 😉
L’avis d’Insatiable Lectrice.
Tous crocs dehors, Lunatik, Editions Quadrature, 16€
Beau billet et j’adore les nouvelles de ce genre ! Mais un peu cher non ? Sortie poche prévue ?
@ Asphodèle : en poche, non, je ne crois pas, malheureusement… Moi aussi j’aime beaucoup ce genre de nouvelles et j’aimerais que d’autres éditeurs se risquent à en publier…
Je n’ai pas envie de nouvelles aussi noires pour le moment…
@ Kathel : plus tard, peut-être?
Tu es peut-être un peu moins enthousiaste qu’Anne, non ?
@ Sylire : euh non, je ne crois pas… J’ai beaucoup aimé mais je n’ai pas pu les évoquer toutes. Alors j’en ai choisi trois…
Il m’attend depuis des mois…. j’ai honte !
@ Clara : tu peux! 😉
Effectivement nous n’avons pas « flashé » sur les mêmes (à part celle sur le Petit Chaperon Rouge^^).
J’ai passé un très bon moment avec ces nouvelles, sauf avec la dernière 😉
@ Cynthia : c’est un style que j’apprécie vraiment… Oui, la dernière, bon… Par contre, les remerciements valaient aussi leur pesant d’humour décalé! 😉
Hum, le style des extraits ne me tente pas plus que ça. Pas envie de noir en ce moment.
@ Leiloona : ce genre de livre demande effectivement d’être dans un état d’esprit adapté… on n’est pas toujours prêt pour ça!
Que Sainte Apolline nous préserve des kinder surprises et des blagues carambar… et que soit remerciée Gwenaëlle pour sa lecture et sa chronique.
@ Lunatik : quand le livre est bon, la chronique se fait toute seule! 😉 Mon fils ado a commencé le recueil et je l’entends régulièrement ricaner… 🙂
Voilà qui fait plaisir. Un ricanement incoercible est l’une des appréciations les plus sympas qui soient.
J’aime bien le parti pris « exercice de style » ! A découvrir donc !
@ Océane : oui, à découvrir!