Assia est, comme de nombreuses personnes dans ce pays, issue d’une double culture. Sa mère était française, son père est tunisien. Mais le décès prématuré de sa mère a bouleversé sa vie car Fouad, son père, a alors décidé de quitter la Tunisie pour la France et d’éduquer sa fille dans une seule culture, celle issue des Lumières. Enfermée dans une gangue de silence et de solitude, la petite Assia n’a jamais osé poser de questions à son père. Ni sur sa mère ni sur ses origines. Il faudra qu’elle devienne adulte, rencontre Amine qui l’initiera à l’amour et la langue arabe et qu’elle subisse un grave accident pour qu’enfin, le verrou mis en place par son père sur ses origines saute.
Un jardin à la Marsa est un véritable enchantement. D’abord par les mots : une langue riche, belle qui s’élève au dessus des contingences et des « trucs » d’auteur qu’on voit si souvent ces temps-ci (provocation à deux sous, dépression post-modernum, charabia…). Cécile Oumhani n’a pas peur d’écrire bien, sans jamais tomber dans le « trop ». Sa langue est souple, vivante, puissante. C’est un vrai régal de lecture.
Ce roman a aussi l’art de mettre en valeur cette double culture, sans jamais laisser entendre que l’une est supérieure à l’autre. Si cette situation peut être source d’une grande richesse intérieure, l’auteur montre bien que c’est aussi, parfois, un véritable dilemme. La réaction de Fouad, le père, est à ce titre exemplaire. Parce qu’il ne veut pas que sa fille connaisse ce que sa propre mère a connu, il décide de la protéger en l’emmenant loin du passé, des traditions, des archaïsmes. Mais ce faisant il se coupe d’une partie vitale de lui-même, s’enferme peu à peu dans un rôle qui ne lui va pas et le rend malheureux. Ce qui est dit là, tout en subtilité, c’est la difficulté de l’émigration ( et de son pendant, l’immigration), le risque de ne plus pouvoir être soi-même, tout en ne se sentant jamais comme les autres.
Un jardin à la Marsa, c’est enfin un grand roman d’amour. D’un père pour sa fille, pour sa femme disparue, de deux jeunesses porteuses d’espoir. L’amour pour la culture, sa culture et celle des autres. Un vrai souffle porte ce livre, comme un message d’espoir et de réconciliation.
Ce n’est pas un roman de la rentrée, ce n’est pas un livre qui a fait du bruit. Non, c’est un petit livre tout simple mais quelle richesse! Quel dépaysement! Quelle profondeur! Si vous le trouvez, n’hésitez pas… prenez-le et lisez-le!
Extrait :
Alors, ce soir de printemps naissant, celui des rêves ébranlés, il marche dans la rue où souffle un vent froid, assailli par l’indifférence des pierres, hanté par l’isolement qu’il a voulu, en s’installant dans une ville dont les habitants ont la réputation de vivre repliés sur eux-mêmes. Il a cru s’enraciner à l’ombre de leur indifférence. Mais il comprend qu’il a seulement fait escale.
Un merci géant à Sylire qui m’a permis de faire cette superbe découverte.
Si vous souhaitez en savoir un peu plus sur cette auteure, je vous invite à vous rendre là, pour y lire une interview très intéressante où il est question de la création, de l’acte d’écrire, de l’écriture au féminin…
Un jardin à la Marsa, Cécile Oumhani, Paris-Méditerrannée, 15€
Je reviendrai lire ton billet quand je l’aurai lu…
@ Clara : eh bé d’accord…
Un livre bien écrit? Oui, ça fait du bien.
Et continue à t’amuser avec La relique!
@ Keisha : superbement écrit! La Relique? Oui, c’est drôle. Tu as remarqué ces introductions animalières aux chapitres, qu’on dirait tout droit sorties de L’âge de glace ou de 1001 pattes?
Des noms .. des noms .. pour le charabia et les dépressions pos-modernum ….
Il est déjà dans mon petit carnet, dès que je peux je le lis.
Il y a tant de bons romans qui passent inaperçus lors des rentrées littéraires… le bruit médiatique étouffe tout. Tu m’as donné envie de m’aérer l’esprit avec ce roman.
@ Océane : je pense que tu y trouverais sans doute des échos de ta propre expérience. Et c’est tellement bien écrit! Du plaisir à l’état pur!
Ce livre est fait pour moi !
@ Armande : si tu as aimé Le paradis des femmes, il y a, en effet, de grandes chances pour que tu te délectes de celui-là! 🙂
Je suis ravie que tu aies aimé… Cécile Oumhani n’est pas connue sur les blogs. Dommage. J’ai eu la chance de la rencontrer pour le prix Cézam (qu’elle a eu), c’est un délice également de l’écouter…
@ Sylire : j’ai vu son parcours, c’est une personne extrêmement cultivée… Ce livre m’incite à en lire d’autres d’elle.
j’aime ta phrase : « Ce n’est pas un roman de la rentrée, ce n’est pas un livre qui a fait du bruit. Non, c’est un petit livre tout simple… » elle nous donne vraiment envie de découvrir ce livre !
@ Valérie : j’espère que tu pourras le lire!
noté ! tu en parles avec tellement de plaisir !
@ Orchidée : ah oui, du pur plaisir! 😀
Alors je n’hésite pas, je le note tout de suite
@ Gambadou : conseillé par Sylire, c’est une valeur sûre! 🙂